Dans le ouvrage, L’Amour, le grand, Florence Lautredou propose 8 recits symptomatiques de des mauvais reflexes.
Si l’histoire rate, c’est notre faute: nous voulons parfois trop que l’histoire reussisse, dit-elle. Nous preferons nous voiler la face. Mes signaux avertisseurs etaient la pourtant. Elle en veut pour preuve des recits authentiques (1), parmi qui se mele sa propre histoire. Leur lecture est troublante car cette dernii?re fera remonter de droles de souvenirs, tragiques et comiques a la fois. Voici le premier recit. Va-t-il vous rappeler quelque chose ?
Emma a appris a faire face
Sa tante lui a enseigne a «sourire». Pour une telle juriste expatriee a Bruxelles, la lecon s’avere payante : il convient servir des interets des clients en gardant le «poker face», visage impassible de celle qui fera toujours face a bien. Un probleme ? Non, jamais. No problem. Et cela fait sa propre force au boulot la dessert en amour. Et voila comment : Emma tombe via 1 trentenaire a particule, a l’allure elegante. Il s’appelle Louis. Premiere rencontre : premier baiser. Puis long silence. Puis invitation a un diner formel. Emma debarque dans un «grand appartement avec moulures et meubles d’epoque qui donne sur le parc de Tervuren. Et me sens deplacee parmi des invites, tous belges et surhabilles, costumes et robes de fi?te Afin de ces dames blondes, tres maquillees et bronzees. Sentiment de me retrouver dans une version flamande d’un film de Chabrol. N’importe qui me regarde. La place a droite de l’hote, sans doute».
Pourquoi l’a-t-il placee a une droite ?
Notre douzaine de convives la toise sans amenite. Emma se doit de se douter que celui-ci y a la tel 1 scenario SM. Neanmoins, i§a a appris a se taire et garder le sourire. L’homme le sait. Le petit jeu, aussi, commence. «Pour alleger le poids des regards, globalement defiants, je m’active, Louis nous ayant prepare 1 repas conventionnel qui implique changement de vaisselle ainsi que couverts. Je n’aime pas me faire servir via un homme. L’espece est tellement precieuse qu’il ne faut jamais l’user en taches impropres. «Des que tu en trouves un, tu nous le bichonnes, a assene la mere au sein d’ ses principes d’une nouvelle generation. Un homme a besoin qu’on s’occupe de lui». Assiettes pose i ci?te, j’evolue donc dans sa grande cuisine, amenagee a la perfection. Louis, 36 annees, soigne le celibat. Il regarde ranger nos couverts au lave-vaisselle, s’amuse de mes doigts qui tremblent d’etre ainsi scrutes. Je releve les yeux lorsqu’il se poste devant moi. «Alors, Ca te plait ?»».
Finir une barre d’acier
On se croirait au sein d’ 50 nuances de Grey. Emma va-t-elle succomber au charme une domination male ? Elle raconte : «Son ton reste dur, comme son regard. Ses bras seront plaques contre ses flancs. Je me sens oppressee et recule, heurtant une barre de fer appuyee contre le mur. Elle claque concernant le sol. «Desolee !» «C’est OK, elle…, commence Louis en relevant la barre et en la caressant, le regard plisses vers moi. Elle a explose deux pigeons l’annee derniere, sur la rambarde de mon balcon. Bam, dechires, direct !» Ainsi que mimer le meurtre en soulevant la barre facon brute de jeu video – l’une de l’ensemble de ses passions, tel je le decouvrirai plus tard. J’ecarquille les yeux, la maniere d’encaisser la violence. «Un probleme ?», ajoute-t-il, moqueur, declenchant chez moi un reflexe de denegation automatique». Emma reste prise au piege. Au XXIe siecle, aucune copine ne pourra se permettre de sembler faible, fragile, inhibee ou timide. No problem.
Le coup du sexe sans preservatif
«La variation sadique autour du motif de l’homicide comptera encore quelques episodes, avec chaque fois une gradation dans l’humiliation.» Emma dit que son systeme de guidance personnelle est fausse. Cela reste au passage fausse «des J’ai premiere nuit quand mon amant belge s’est jete concernant moi. «Tu ne prends nullement de…, ai-je balbutie, genee via ce que je jugeais de timore dans ma remarque. — Non. Un probleme ?», m’a-t-il toisee, le visage au-dessus de moi. Evidemment, 1 probleme, une angoisse terrible avant la prise de sang quelques semaines apres […]. Mais ce soir-la, Afin de eviter la scene et sa sanction […] j’ai hoche la tronche, docile. Debile ? Je ne suis pas sure. […] Di?s Que je discute avec des Francaises, Belges, Italiennes, Portugaises, Grecques, Espagnoles, je trouve cette categorie de comportement. Des femmes intelligentes, responsables, qui basculent en mode bug au sein d’ l’intimite. Ombre cachee qui nous attire aupres du predateur susceptible de nous prendre l’existence ?» Notre preservatif est fortement connote «coup d’un soir». Si votre homme propose du sexe sans preservatif, c’est via sous-entendu un contrat de confiance : si tu remets ta vie entre mes mains, aussi tu seras digne de devenir aime(e). Comment dire «non» a quelqu’un qui joue avec vous au (sale) petit jeu du sacrifice amoureux ?
Ma chance d’une partie de chasse
En sadique accompli, Louis n’aura plus qu’a Realiser monter la pression d’un cran supplementaire a chaque rencontre. «Les semaines suivantes s’enchainent, avec chaque fois une variation autour du theme de l’homicide. Louis, dont l’expressivite sentimentale reste inversement proportionnelle a l’ardeur sexuelle, tient a m’emmener dans le chateau familial pres de Bruges, Afin de votre dejeuner dominical, precise-t-il.» Emma croit qu’il va la presenter a ses parents. Quelle joie. Sur place, deconvenue : les convives dardent dans elle «des yeux pales aux pupilles retrecies, a force de mefiance», tous habilles de tenues vert sombre ou camouflage. Mais pourquoi ce code couleur ? Et pourquoi ce repas de venaisons ? Brusquement votre son grave s’eleve dans la brume, dehors. La tablee se leve d’un seul mouvement. Louis lui propose une promenade, en regardant ailleurs. «Nous entrons dans la foret. J’ai peur, comme une tension dans le sternum. Un coup de feu. J’me jette au sol en hurlant. «Tiens-toi !, gronde Louis, maxillaires serres. Tu me fais honte.» Evidemment. C’etait un dejeuner de chasse. Louis ne a rien dit. Il me releve brutalement, l’air furieux et me tire via le bras. «Fini, on revient !» J’ai excellent balbutier des excuses.»
Le coup de l’experience extreme